Renouer avec mon amour de la lecture il y a deux ans et demi n’a pas seulement changé mon quotidien: cela a aussi influé, bien sûr, sur ma consommation de livres, qui s’est largement multipliée !
Pour être honnête, je n’ai jamais vraiment culpabilisé d’acheter des livres: je trouve plutôt chouette de dépenser mon argent dans un objet culturel qui me fait du bien, plutôt que dans une futilité dont je n’ai pas besoin – et je me sais capable de rester à peu près raisonnable !
Néanmoins, ces contacts plus fréquents avec les librairies et les sites de vente en ligne m’ont petit à petit amenée à réfléchir à l’impact environnemental, éthique et social de ma consommation, comme j’ai pu le faire pour d’autres domaines.
Ici, pourtant, j’ai réalisé que la problématique était particulièrement subtile et délicate: l’écologie et la durabilité n’étaient pas les seuls éléments à prendre en compte, puisque existait aussi la question éthique d’une juste rémunération pour l’auteur/e, ou celle de la survie des librairies, par exemple. Le livre n’est pas qu’un objet de consommation: c’est aussi une oeuvre dont il faut respecter le créateur – j’en suis encore plus consciente depuis que mon propre livre a été publié. De même, la production littéraire n’est pas qu’une question commerciale: elle participe à la richesse et à la diversité de notre culture.
La question de comment et où nous nous procurons nos livres soulève donc énormément d’enjeux aussi importants que fascinants, et parfois un peu contradictoires. Un vrai sac de nœuds !
Cette réflexion m’habitant désormais depuis longtemps et ayant profondément modelé mes habitudes, j’ai eu envie aujourd’hui de partager les quelques solutions explorées ces derniers mois. Je vous les présente donc ci-dessous avec les avantages et les inconvénients que je leur trouve, ainsi que la place qu’elles prennent dans ma consommation actuelle.
S’il ne s’agit que de mes pensées, sans prétention de vérité absolue, j’espère toutefois que le sujet sera pour vous aussi l’objet de débats intérieurs passionnants !
SOUTENIR LES MÉTIERS DU LIVRE
▶︎ LES LIVRES NEUFS ACHETÉS EN LIBRAIRIE
Avantages: Acheter des livres neufs est à peu près la seule manière d’offrir une rémunération entière à leurs auteurs (déjà plutôt mal lotis en France pour la plupart) et de soutenir les maisons d’édition – notamment les plus petites d’entre elles, qui font face à une concurrence terrible. C’est une manière de financer la création littéraire, et d’encourager une offre culturelle diverse. Enfin, en choisissant de nous fournir auprès d’une librairie locale lorsque c’est possible, nos achats participent également à renforcer ce corps de métier en difficulté.
Inconvénients: Même si aujourd’hui beaucoup de livres sont imprimés sur du papier recyclé, la production, le transport et la vente de livres neufs a, comme pour tout autre produit, un impact environnemental certain, sans parler de la quantité impressionnante de déchets produite notamment par l’envoi au pilon des surplus ou livres défectueux (merci Marine pour le rappel !). D’un point de vue social, on pourrait aussi reprocher aux livres neufs de ne pas être accessibles à toutes les bourses.
Mon avis: Aujourd’hui je réserve surtout l’achat en neuf aux livres qui ont une valeur spéciale à mes yeux, ou dont l’auteur me tient à coeur, et je privilégie les entreprises locales lorsque c’est possible. Dans l’autre sens, si un titre m’a déçue ou s’il perd de son intérêt, je n’hésite pas à en faire don aux associations ou à les revendre pour leur donner une deuxième vie.
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DONNER PLUSIEURS VIES AUX LIVRES
▶︎ LES LIVRES D’OCCASION (achats, dons ou boîtes à livres)
Avantages: Donner une deuxième vie à un livre, comme à tout objet, est très écologique: plutôt que d’encourager une production linéaire et des durées d’usage courtes, on fomente une économie circulaire, qui utilise au mieux ce qui existe déjà. Il y a aussi un aspect social essentiel: les livres d’occasion sont moins chers, voire gratuits lorsqu’ils sont donnés (entre proches ou via des boîtes à livres), ce qui permet de découvrir, mais aussi posséder directement des livres même avec un budget très restreint.
Inconvénients: Aucun acteur de la chaîne du livre (auteur, éditeur, imprimeur, libraire…) ne perçoit de rémunération sur ces échanges.
Mon avis: Malgré une légère phobie de la saleté, je suis devenue une grande adepte des livres d’occasion, autant par souci d’économie que pour l’acte écologique / durable que cela représente. J’ai aussi une certaine tendresse pour ces objets en imaginant leurs premiers propriétaires ! Toutefois, parce que le fait de ne pas rémunérer l’auteur me gêne, je privilégie dans ces achats les livres qui datent de plusieurs dizaines d’années, les anciennes éditions, les titres dont l’auteur est déjà mort, ou au contraire les best-sellers qui font déjà beaucoup de ventes et ne souffriront pas trop de ce manque à gagner – bref, pas les livres récents, les jeunes auteurs, les projets que je veux vraiment soutenir, etc.
▶︎ LES BIBLIOTHÈQUES
Avantages: Quoi de plus durable qu’une bibliothèque ? Au niveau social, ces services permettent de rendre la culture accessible à tous grâce à un espace d’accueil public, et des tarifs très bas, voire gratuits, pour les populations les moins favorisées. En termes d’écologie, le concept est aussi parfait: un seul livre est utilisé par un grand nombre de personnes, ce qui rentabilise extraordinairement bien sa durée de vie.
Inconvénients: Les librairies perdent potentiellement certaines ventes, même si la quantité exacte est difficile à définir: quand on a recours à la bibliothèque, c’est souvent justement parce qu’on n’aurait pas pu, ou pas voulu, tout acheter. Quant aux auteurs et éditeurs, malgré la rémunération prévue en compensation par l’État (merci Laure et Camille pour la précision !), leurs revenus me semblent aussi bien moindres que si les utilisateurs avaient acheté leur exemplaire.
Mon avis: Les bibliothèques restent un service absolument essentiel, durable, et un outil d’égalité des chances pour la population; ces arguments touchent au bien public, donc ils prennent largement le dessus à mon sens. De mon côté, étant assez attachée au fait de posséder les livres que j’aime, je vois la bibliothèque comme un parfait moyen d’essayer des romans qui me tentent sans que je sois certaine de les aimer, ou prête à les acheter tout de suite – quitte à les acquérir ensuite si je suis convaincue.
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DÉMATÉRIALISER LES LIVRES
▶︎ LES LIVRES NUMÉRIQUES
Avantages: Les e-books sont la quintessence du minimalisme: plutôt que d’utiliser des tonnes de papier et d’encre, il suffit d’un seul petit dispositif pour stocker des milliers de titres. On est en outre complètement autonome dans le processus d’achat qui, à condition d’une connexion internet, peut se faire n’importe où, donnant accès à un catalogue immense même aux personnes qui n’ont pas de librairie ou de bibliothèque à proximité. Enfin, malgré les prix parfois décourageants appliqués en France, le format numérique offre une quantité impressionnante de livres gratuits de toutes langues tombés dans le domaine public, ainsi que des promotions et réductions régulières (interdites chez nous sur les livres papier depuis la loi Lang de 1981).
Inconvénients: Bien qu’on évite l’impact environnemental lié à la production du livre papier et à sa distribution, lire en numérique n’est pas forcément très écologique en soi: certains composants électroniques de nos liseuses sont fort polluants à fabriquer et difficilement, ou pas du tout, recyclables; il faut aussi prendre en compte la consommation électrique nécessaire au fonctionnement de l’appareil (même si elle est très faible) et des serveurs qui lui sont liés, alors qu’un livre papier est complètement autonome une fois produit. En termes d’éthique, le format numérique va parfois de pair avec une protection extrême des fichiers (DRM) d’une part, qui est injuste et peu durable pour le consommateur, et d’autre part avec le téléchargement illégal, qui ne permet pas de rémunérer les auteurs pour leur travail. Enfin, si nous lisions tous en numérique, quid des libraires ?
Mon avis: Étant expatriée dans un pays dont je ne lis pas couramment la langue, ma liseuse m’est très utile pour ne pas toujours devoir faire venir mes livres de France ou d’Angleterre par courrier. J’y ai recours surtout pour des titres tombés dans le domaine public, et ceux que je trouve à petits prix. Le gain de place et la praticité de ce format sont également essentiels pour moi qui n’aime pas les intérieurs trop encombrés, et voyage toujours léger ! Ce n’est peut-être pas l’option la plus green, mais elle correspond si bien à mon mode de vie et je la rentabilise tellement qu’à mon sens, la relation impact environnemental vs utilité reste correct.
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CONCLUSION
ACHETER AVEC CONSCIENCE
Toutes les options exposées ont des arguments assez valables, même si l’une ou l’autre peuvent sembler prioritaires selon la sensibilité de chacun/e: certaines personnes ont surtout à cœur de ne pas laisser dépérir les petits libraires de quartier, d’aucun/es sont sensibles à la cause des auteurs, d’autres veulent avant tout promouvoir une économie plus circulaire et solidaire…
De mon côté, vous l’aurez compris, j’essaie tout simplement de faire au mieux pour tout le monde: j’achète de manière raisonnée, en choisissant la meilleure option possible selon ma situation.
L’équilibre que j’ai trouvé me convient bien, et je le trouve assez juste. Il consiste à intégrer les livres de seconde main, les ebooks, les dons et les prêts dans mes habitudes, voire d’en faire la majorité de mes transactions, tout en réservant une petite partie de mon budget aux livres neufs pour soutenir les auteurs et librairies – par exemple quand il s’agit de mes écrivains préférés, des éditions qui me semblent les plus jolies, ou pour les cadeaux.
Ma solution n’est toutefois pas la seule possible, loin de là. Je crois qu’il est avant tout essentiel, car salutaire, de questionner et prendre conscience de nos habitudes, surtout lorsqu’elles sont un peu automatiques (à moins de ne pouvoir faire autrement): c’est le premier pas vers une consommation plus engagée, dans le domaine des livres comme dans tous les autres, et j’espère que ma petite réflexion vous aura nourri/es en ce sens !
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Aviez-vous déjà conscience des aspects éthiques et écolos de la consommation de livres ?
Si oui, quelles sont les solutions que vous aimez privilégier ?
Si non, est-ce un sujet qui vous fait réfléchir ?
À lire aussi: l’excellent article de Julie sur le « lire éthique » !
78 commentaires
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