Mes Dernières Lectures #17

Encore une fois, on pourrait difficilement faire plus diversifié pour ce nouveau bilan de mes lectures récentes: un polar français, un classique de la littérature américaine, et la retranscription d’un discours africain sur le féminisme. Mais vous le savez, c’est ça que j’aime avec les livres: sauter d’univers en univers, de genre en genre, et picorer selon mes envies, qui varient toujours !

Ces trois ouvrages ont été très divertissants, touchants et/ou intéressants à leur manière, et j’espère qu’ils pourront vous donner quelques idées.

bilan-lecture-finfevrier2016

Peur de l’Ombre, de Jean-François Delage, éditions Pocket
(service presse)

Résumé: Abou Dhabi, en 2017. Le commandant de la DCRI Michaël Botton est piégé dans une attaque meurtrière contre son indic au milieu d’une chambre d’hôtel. Alors qu’il peut enfin rentrer en France, il est enlevé sous les yeux de son épouse, elle-même commissaire à la DCRI, en arrivant à l’aéroport de Roissy. Quelques heures plus tard, un attentat à Rolland Garros fait des centaines de morts, dont le fils du couple. Paris, 2020. Le climat en France est tendu suite aux provocations répétées d’un imam radical. Botton n’a jamais été retrouvé malgré tous les moyens déployés pour l’enquête, et le haut chef terroriste responsable de l’attentat, surnommé l’Ombre Persique, toujours pas interpelé. Mais de nouvelles informations pour le moins étonnantes parviennent aux services secrets, annonçant l’imminence d’une nouvelle attaque. Démarre alors une course contre la montre entre la France et le Proche-Orient qui révélera bientôt l’implication de plusieurs personnalités inattendues…

Mon avis: J’étais très curieuse de découvrir ce roman au thème (malheureusement) crédible et actuel. Il a finalement été à la hauteur de mes espérances, puisque je n’ai tout simplement pas pu le lâcher ! Dévoré en trois jours malgré ses presque 900 pages, et sans qu’il recoure pourtant aux astuces typiques des thrillers « page turners », il m’a tenue en haleine et intriguée du début à la fin.

Outre le sujet brûlant de l’islamisme radical, que l’on retrouve peu dans ce type de littérature, Peur de l’ombre propose une certaine originalité en termes de point de vue: ici, point de police judiciaire ni de détective privé, mais les services de renseignement de l’État Français. Grâce aux thématiques liées à cette activité (contenus classés, sécurité, agents secrets, etc…) mais aussi au caractère plus distant de ces organismes, que l’on connaît bien moins que la police par exemple, l’ambiance du roman est naturellement auréolée de mystère.

Côté intrigue, tout est extrêmement complexe et riche, mais aussi très bien construit et amené, si bien que les différents enjeux se lient avec fluidité, sans perdre le lecteur. Même si tout n’est pas parfait (j’ai relevé notamment quelques détails un peu tirés par les cheveux), je trouve que cette complexité et la crédibilité du thème du terrorisme jouent en faveur de la crédibilité de l’histoire, qui réussit donc à nous happer.

Alors que je m’attendais à une tension en montagnes russes, avec des doutes insoutenables à chaque fin de chapitre comme dans les thrillers américains, j’ai trouvé dans ce récit un tout autre type de suspense. Le rythme est assez constant. Il y a certes quelques coups bien tombés, mais globalement le suspense est distillé très discrètement, réussissant à maintenir notre intérêt sans en faire des tonnes. L’alternance constante entre les personnages et les situations, mais aussi le découpage en parties très courtes qui se lisent donc rapidement, donnent toujours envie de continuer la lecture.

Finalement, la seule chose qui m’a manquée dans ce roman est l’attachement aux personnages. Si les protagonistes « gentils », surtout Nora, m’étaient sympathiques, je ne me sentais pas en revanche spécialement touchée par leurs émotions ou leur destin. Je les comprenais, mais sans les partager. Peut-être que ce manque est dû à la complexité de l’intrigue, qui met en scène tant d’individus que l’on a peu l’occasion de creuser leur personnalité autant qu’il le faudrait.

Petite exception tout de même: j’ai trouvé très intéressant l’un des personnages « méchants » secondaires, un frère terroriste, pour ses nuances et ses doutes, loin de tout manichéisme. J’ai aussi été assez amusée par les descriptions du couple présidentiel français, qui devrait vous en rappeler un autre… ;)

En bref, Peur de l’ombre est à mes yeux un bon thriller qui devrait vous inciter à tourner les pages avec enthousiasme. Il sera parfait pour les amateurs du genre qui recherchent un sujet assez original et une intrigue casse tête qui saura les surprendre.

Ma note: 4/5

L’attrape-coeurs, de J. D. Salinger, éditions Pavillons Poche
(service presse)

Résumé: Trois jours avant Noël, Holden Caulfield, jeune adolescent issu de la bourgeoisie new-yorkaise, est renvoyé de son pensionnat. Pour ne pas devoir l’annoncer à ses parents tout de suite, il décide de fuir pendant 3 jours, au gré de son envie, et se retrouve seul dans Big Apple. Entre errances, rencontres curieuses et petites aventures de toutes sortes, ces journées d’incertitude sont pour lui l’occasion de chercher sa place face à un monde décevant.

Mon avis: Ce roman déchaîne les passions: il est adoré ou détesté, selon que l’on soit sensible à son style « oral » et populaire, et aux récits centrés sur la psychologie des personnages plutôt que sur l’action. En ce qui me concerne, j’étais à peu près sûre de l’apprécier, et cela a été le cas, même si je n’ai pas eu de coup de coeur – sans doute parce que je suis déjà beaucoup plus âgée que le protagoniste.

Il ne se passe pas grand chose dans cette histoire, mais ces petits riens, et les réflexions qu’ils engendrent chez Holden sont l’essence-même de son intérêt, tant l’auteur sait les exploiter pour faire vivre l’esprit de son personnage. À travers des événements minimes, il donne à voir toute la complexité de l’adolescence, cette période d’incertitude où l’on veut être quelqu’un sans tout à fait savoir comment s’y prendre, ni quels choix adopter. Le résultat est très vivant, mais aussi touchant, infiniment humain, et on referme le livre avec une étrange sensation de tristesse, de nostalgie et d’espoir.

La plume, qui reprend directement le langage oral d’un jeune des années 50 (un peu étrange en français, donc à préférer en VO si vous lisez l’anglais), fait à mon sens toute la force de L’attrape-coeurs. Elle ouvre une fenêtre directe vers un certain mélange de candeur et de désillusion qui caractérise la jeunesse de l’époque.

Elle fait même, paradoxalement, sa poésie, représentant une sorte de logorrhée non formatée, non censurée, du protagoniste. Je l’ai ressentie comme une pure expression du coeur, quelque chose de frais, où les réactions et les émotions passent avec spontanéité.

Il est assez difficile d’évaluer intellectuellement ce classique de la littérature américaine, qui à mon sens se « ressent » avant tout. Je vous invite donc à vous faire votre propre idée si vous ne l’avez pas encore lu !

Ma note: 4/5

We should all be feminists, de Chimamanda N. Adichie, éditions Fourth Estate
(également disponible en français)

Résumé: Ce petit livret contient une version légèrement modifiée du discours de l’auteure Chimamanda Ngozi Adichie, prononcé lors d’un TED Talk dédié aux idées inspirantes de l’Afrique.

Mon avis: Tout en simplicité et sans prétention d’exhaustivité, ce court discours rappelle le besoin concret de changements sociaux au profit de l’égalité des sexes, à travers l’exemple du Nigeria, dont est originaire l’auteure.

Même si en France les situations ne sont pas toujours aussi évidentes, elles sont en revanche tout aussi révélatrices d’idées sexistes qui sont ancrées dans nos têtes, à modifier et reconstruire.

Il s’agit d’un texte ultra accessible, à offrir à ses proches, surtout les garçons, et plus généralement à tous ceux qui ne semblent pas comprendre que la question du genre nécessite une réponse au quotidien, de la part de tous. Il serait intéressant aussi de le faire lire par les élèves au collège !

J’aurais aimé le voir beaucoup plus étayé et développé (je suis un peu restée sur ma faim !) mais il s’agit d’une belle entrée en matière pour sensibiliser toutes les populations et ébaucher une autre manière de voir les choses.

Ma note: 4/5

***

Connaissez-vous l’un de ces titres ?
Avez-vous lu quelque chose de chouette récemment ?

Pssst: le sondage qui concerne l’édition de mars du #clublectureMS, dédiée aux romans policiers asiatiques, a lieu cette semaine. N’hésitez pas à venir donner votre avis ici !

sondage-clublecturems-mars

17 commentaires

  1. We should all be femininst me tente beaucoup! Je cherche d’ailleurs des bouquins pour mon prochain voyage au Japon.
    J’avais lu l’Attrape Coeur, je me souviens l’avoir bien aimé mais je ne me souviens plus de grand chose (c’était il y a au moins 5 ans)… J’ai une très mauvaise mémoire « livres »!
    Belle journée, bises

    Julie, Petite and So What?

  2. Tes trois lectures m’inspirent bien et j’offrirais bien la dernière à une amie (après l’avoir lu aussi).

    Le polar semble très tentant.

    L’attrape-coeurs est dans ma liste depuis des décennies… il faudrait que je concrétise, il est temps !

  3. J’ai découvert Chimamanda Ngozi Adichie avec sa conférence « we should all be feminist » en vidéo, je l’ai trouvé aussi vraie, brillante que drôle, ensuite j’ai lu son tout premier roman L’hibiscus pourpre qui se passe au Nigéria, j’ai tout simplement adoré et je vais sûrement continuer avec son dernier Americanah.

  4. Hello Victoria!
    C’est marrant, j’ai aussi lu L’attrappe-coeurs durant le mois de février alors que je ne l’avais jamais lu. Ileétait sur ma liste de classique à lire depuis longtemps. Comme toi, je l’ai bien apprécié mais je pense que cela aurait pu être un coup de coeur si j’étais encore dans cette période de l’adolescence.

    Pour la prochaine édition du Club de lecture j’ai voté pour Le Dévouement du suspect X car j’adore le fait qu’il y ait un parallèle avec les mathématiques :)

    Bonne journée.

  5. Merci pour tes articles « dernières lectures » qui ne cessent de m’inspirer !
    Tu es sur la même longueur d’ondes que la Suède en souhaitant que ce livre soit lu par les collégiens. J’ai appris via l’instagram de Sheryl Sandberg que la Suède a décidé d’envoyer un exemplaire de ce livre à chaque adolescent(e)s de 16ans ! Belle initiative.

  6. Moi aussi, j’ai voté pour Le dévouement du suspect X…
    mais je n’ai pas encore terminé L’héritage. Ca se lit vite mais comme je lis d’autres bouquins en parallèle, je n’ai pas encore terminé.
    Le We should be all be feminists m’interesse aussi. Ayant passé presque 3 ans au Nigeria, cela me rappelera peut etre mes sœurs nigeriannes. Les femmes que j’ai fréquentées là bas étaient extraordinaires, très solidaires entre elles, ultra féminines, coquettes, croyantes, drôles et fortes. On peut dire qu’elles me manquent :)

  7. Le premier me tente bien, L’attrape coeur j’ai détesté soit on aime soit on déteste. Je ne connais pas le 3ème livre ^^ Merci en tout cas pour ces découvertes :)

  8. C’est un super article, j’ai beaucoup aimé. L’attrape-coeurs et We should all be feminists me tentent vraiment, l’un pour sa complexité et son lyrisme sur l’adolescence, et l’autre pour son importance dans le combat actuel, dans nos droits…

    Merci pour ces découvertes.
    Kim

  9. JD Salinger est mon auteur préféré, même si je préfère ces nouvelles à ce roman, pourtant je devrais le relire – je l’avais lu à l’âge de 18 ans. Salinger a un style bien particulier, qui peut effectivement rebuter mais ce que j’aime chez lui , c’est qu’à chaque relecture, on semble en apprendre un peu plus sur les personnages et sur soi. Je suis fan de la famille Glass que l’on retrouve dans plusieurs nouvelles (dont Franny et Zooey, la plus connue). J’ai lu Americanah de la romancière nigériane et j’ai ce traité (sorti en Flolio à 2 euros) dans ma pàl.

  10. Oh « we should all be feminists » j’y ai pensé l’autre jour en lisant un article dans Le Monde ( cf. http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/02/22/le-feminisme-rayonnant-de-chimamanda-ngozi-adichie_4869658_3212.html ). D’ailleurs, cette initiative a été prise en Suède puisque le livre va être distribué à des lycéens et c’est une belle idée je trouve, d’apprendre à aborder ces problématiques pendant l’adolescence! J’apprécie toujours autant tes revues de livres, j’y pioche toujours de bonnes idées :-) Bonne journée Victoria!

  11. J’ai lu L’attrape-coeurs il y a bien longtemps, sûrement 10 ans aux débuts de mes années lycée. Je crois que c’est un roman « maître » et « initiateur » qu’il faut lire et relire, il est sans-cesse cité dans les romans contemporains (pas tout le temps hein), j’ai un autre roman de Salinger dans ma PAL.
    Je lis Super Sourde (BD) de Cece Bell et Juste avant le bonheur d’Agnès Ledig.

    Bonnes lectures

    Lolacobain

  12. L’attrape coeur je veux le lire depuis bien longtemps, si je le trouve en VO, j’achète direct ou si je le vois à la médiathèque je l’emprunte
    Super article
    Bises

  13. Merci de m’avoir fait decouvrir Peur de l’ombre qui se deroule en partie dans la ville (et meme la rue!) ou j’ai grandi ! Je suis ravie d’avoir lu ce livre,merci beaucoup!

Répondre Annuler réponse

Naviguer