5 ans d’expatriation: le bilan

En pensant à notre nouvelle aventure hollandaise, j’ai réalisé il y a quelques temps que je fêtais cet été mes cinq ans d’expatriation. Cinq ans passés loin de ma France natale, d’abord à Barcelone, pour mes études, puis désormais à Amsterdam. Si je n’ai jamais été tout à fait seule pour cette démarche (j’ai initialement demandé un Erasmus en Espagne pour rejoindre mon amoureux qui y vivait), je pense néanmoins qu’elle a profondément marqué la personne que je suis devenue. On ne devient pas adulte dans un pays étranger, loin de sa famille et de ses repères, comme on le fait lorsque l’on se trouve dans un contexte plus familier.

J’avais envie, à cette occasion, de partager un peu de mon expérience avec vous. Je me suis demandé comment vous parler de ce mode de vie et de la façon dont je l’ai vécu, et j’ai décidé que le plus simple serait de dresser un bilan des avantages et des inconvénients que j’ai trouvés à mon expérience, avec mon recul actuel. Vous êtes nombreuses à me poser régulièrement des questions sur cette vie à l’étranger, j’espère donc que mon témoignage vous intéressera. J’espère aussi qu’il vous sera utile si l’expatriation fait partie de vos projets ou de vos rêves, et qu’il vous semblera familier si elle fait déjà partie de votre vie.

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Les points positifs

S’expatrier, c’est s’ouvrir

C’est le point le plus essentiel, à mon sens, de cette expérience, et la raison principale pour laquelle je trouve qu’elle a beaucoup à apporter à ma génération et aux suivantes: l’expatriation, en nous plongeant dans des contextes socio-culturels différents du nôtre, ouvre profondément notre mentalité et nous amène à plus de tolérance – encore plus que le voyage, puisque l’expérience est prolongée et approfondie. Il est très tentant, et finalement très normal, de céder au jugement et à la peur de l’Autre lorsque tous nos repères sont entièrement ancrés dans un seul environnement moral et culturel. Nous jugeons alors à la lumière des seuls critères dont nous disposons, souvent insuffisants pour englober des réalités que nous ne connaissons pas suffisamment. En vivant dans d’autres pays, même s’ils ne sont pas diamétralement opposés en termes de culture, nous nous voyons obligés à relativiser certaines de nos convictions concernant ses habitants ou ses traditions, et par extension, nous posons petit à petit un regard plus ouvert sur les Autres en général. Nous acceptons de briser nos préjugés au contact de l’expérience authentique, et cette démarche constitue pour moi un effort particulièrement enrichissant et important. Enfin, l’ouverture est également humaine, bien entendu: on fait de nouvelles rencontres, on apprend à apprécier et connaître d’autres types de personnes, souvent un peu différents de nous – et cela aussi fait beaucoup de bien.

… et acquérir du recul sur son propre pays

Il est très amusant et salutaire de forger petit à petit un regard différent, plus objectif, sur ce que nous considérions auparavant comme la normalité. Malgré mon contexte familial très multiculturel, qui m’offrait déjà un certain recul sur la société dans laquelle j’ai grandi, en vivant longtemps à l’étranger j’ai pu voir certaines choses sous un autre angle. Une anecdote toute simple de ce côté-là concerne l’usage intensif du beurre dans la nourriture. Mes amis espagnols et catalans étaient complètement dégoutés par l’idée d’en utiliser comme matière grasse dans les poêles, par exemple, ou pire, pour en tartiner son pain. Cela les écoeurait de se servir de graisse animale, habitués qu’ils étaient à se servir d’huile d’olive (qui, on doit le reconnaître, est un peu plus saine). À l’époque je n’y avais jamais vraiment pensé, mais cela a certainement contribué à ma réflexion sur ce sujet, et à mon abandon du beurre au profit de graisses végétales! Au contraire, j’ai appris à valoriser énormément d’autres choses que je ne retrouvais pas ailleurs, comme nos magnifiques marchés, pleins de charme, l’élégance de Paris, dont je ne m’étais pas tout à fait rendue compte en la voyant tous les jours, ou la qualité de certains de nos programmes télévisés (comparés à la télé-poubelle constante en Espagne, il n’y a pas photo!).

L’expatriation stimule la débrouillardise

Bien que j’aie toujours vécu mon expatriation à deux, ce qui minimise un peu le problème comparé aux personnes qui partent en solo, je trouve que ce style de vie développe forcément la capacité d’adaptation et la débrouillardise. À moins d’être très entouré dès le départ, il faut souvent faire preuve d’une véritable autonomie pour s’intégrer correctement dans un nouveau pays dont on ne connaît pas toutes les règles et dont on ne maîtrise pas tous les codes. Il faut sortir de sa zone de confort pour se renseigner, affronter les différentes démarches, demander de l’aide parfois. Lorsque la langue locale nous est étrangère, le défi est encore plus grand. Rien de tel pour apprendre la vie! On en ressort grandi.

Un accès facilité à d’autres régions et pays

C’est tout bête, mais en changeant de pays, on se rapproche nettement de régions qui étaient moins accessibles avant. Une destination qui supposait des congés de plusieurs jours ou un sacré budget de transport peut d’un coup devenir accessible pour un petit weekend ponctuel. J’ai aimé par exemple pouvoir visiter le Désert des Bardenas Reales en prenant simplement notre voiture pendant quelques heures depuis Barcelone, alors que le trajet depuis Paris aurait été une toute autre paire de manches. L’éventail des possibles s’ouvre côté voyage, ce qui est toujours agréable quand on aime découvrir de nouveaux endroits!

☞ On profite des avantages d’autres pays

La France, c’est chouette, mais les autres pays, en fonctionnant différemment, offrent des avantages qui leur sont propres, en termes de gastronomie, coûts, qualité de vie, disponibilité de certains produits… Barcelone était peu chère, par exemple, incitant à davantage de sorties, et sa culture était très ouverte aux styles alternatifs (pas de problème pour les originaux!). Amsterdam offre beaucoup de facilités pour le vélo, mais aussi des avantages fiscaux pour les expatriés qualifiés, et j’apprécie également la générosité des rayons végétariens dans tous leurs supermarchés, entre autres… Bref, il y a toujours des raisons de se réjouir!

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Les points négatifs

L’expatriation nous éloigne de nos proches

C’est sans doute l’aspect qui freine le plus lorsque l’on pense à s’expatrier: se retrouver loin de sa famille, de ses amis, des personnes aimées en général. On craint la perte de contact, ou tout simplement le temps qui passe sans que l’on puisse profiter de ces personnes autant qu’on le voudrait. Je ne peux nier qu’il n’est pas toujours aisé de ne pas pouvoir sentir l’odeur de sa Maman ou retrouver ses copines au bar du coin dès que l’on en ressent le besoin, et j’ai souvent été attristée des conversations ratées, des célébrations qui se sont déroulées sans moi. J’ai par conséquent la certitude de revenir, un jour, en France, plus proche de tous ceux qui comptent pour moi. Néanmoins, en attendant, les technologies actuelles aident beaucoup à maintenir le contact, et le fait d’être bien entourée sur son nouveau lieu de vie (parce qu’on est venu avec quelqu’un d’autre ou parce qu’on y a connu des personnes géniales) permet également de rendre la distance plus facile à vivre. Je dirais même que l’expatriation est un excellent moyen de faire le tri dans ses relations: avec l’éloignement physique, on se rend compte de celles qui sont véritablement solides, et des gens qui en valent la peine…!

On se sent différent

Le deuxième aspect le plus frustrant à mes yeux dans l’expatriation est le fait de ne pas partager les mêmes références que les habitants, et donc de se sentir un peu différent. Se distinguer des autres est parfois intéressant et valorisant, mais il arrive aussi de vouloir se sentir intégré, surtout lorsque l’on est une minorité. En étudiant pendant 5 ans à Barcelone, j’ai parfois évoqué des souvenirs d’enfance ou des icônes culturelles avec mes amis espagnols, sans que personne ne connaisse ce à quoi je me référais; c’était parfois décevant pour moi de les voir parler ensemble de références que je ne comprenais pas, sans pouvoir participer à l’échange. Cela paraît complètement idiot, mais beaucoup de blagues, de chansonnettes et de remarques sont restées coincées dans ma gorge, faute d’avoir un autre Français à proximité qui puisse les saisir! Bien sûr, on peut toujours expliquer, partager différemment et s’enrichir l’un l’autre, mais parfois on a juste envie que quelqu’un nous comprenne du premier coup! ;)

☞ L’expatriation nous extrait des constructions sociales habituelles

Dans le pays d’où elle vient, chaque personne bénéficie d’un réseau plus ou moins étendu qui peut fonctionner en cas de besoin pour de l’entraide ou du soutien de quelconque forme: les membres de la famille, les amis, les voisins… Elle est également inscrite de manière plus ou moins fixe dans une catégorie sociale, ou un petit monde en particulier, selon sa situation géographique, ses relations, etc… Lorsque l’on s’expatrie et que l’on s’installe à partir de zéro, forcément, on perd les avantages de ces constructions sociales, qu’il faut reconstruire. Au tout début, on ne peut pas compter sur grand monde pour nous renseigner sur certaines astuces administratives, ou sur l’endroit où acheter tel ou tel objet. Il faut se débrouiller tout seul – mais c’est aussi un avantage, comme vu dans la partie précédente!

☞ Le mal du pays

Évidemment, vivre loin de la France et de ses particularités, même si elles sont souvent compensées par celles du pays d’accueil, peut supposer un certain manque. On rêve de bons produits gastronomiques difficiles à trouver sur place (le pain étant généralement la cause numéro 1 de frustration), de trouver facilement certains livres et magazines, de certaines radios que l’on avait l’habitude d’écouter, de certaines émissions télévisées, ou encore de l’ambiance de certains endroits. Les expatriés sont parfois un peu nostalgiques de leurs origines – mais cela rend chaque retour encore plus savoureux!

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Avez-vous déjà vécu une expatriation? Auriez-vous un bilan similaire de votre situation?
Sinon, l’expatriation est-elle une expérience attirante pour vous?

Photos: Pexels.com

53 commentaires

  1. Coucou ! Personnellement, je ne pourrai pas vivre en dehors de mon pays natal. Je pense que c’est parce que ma famille me manquerai beaucoup trop.
    Belle soirée

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