Mes Dernières Lectures #46

I’m late, I’m late ! Les lectures que je vous présente aujourd’hui datent déjà d’il y a un mois, et il m’en manque encore au moins trois autres pour être à jour… C’est ça d’avoir une folie livresque soudaine ! Je ne vais pas m’en plaindre: j’ai été si heureuse de retrouver le goût de lire, de dévorer à nouveau des dizaines et des dizaines de pages parfois en une seule après-midi.

Il faut néanmoins l’avouer, j’ai ressenti une nette différence dans ma facilité à vous les retranscrire. C’est fou comme en quelques semaines, la mémoire fait son tri ! Je retiens des impressions, un ressenti général, mais beaucoup de détails ou d’arguments se perdent.

Je me suis tout de même prêtée bien volontiers à l’exercice: dans cette sélection se cachent deux de mes romans préférés de l’année jusqu’ici, et je voulais vraiment les partager avec vous ! ♥︎lectures-juillet2018


VO: The Ice Twins

Résumé: Suite au décès accidentel et tragique de l’une de leurs deux jumelles, la famille Moorcroft décide de partir s’installer sur une petite île des Hébrides Écossaises, loin de leur ancienne vie londonienne, pour tout recommencer à zéro. Le changement ne se passe toutefois pas aussi bien qu’ils l’avaient prévu: les installations sur place sont vétustes, la vie rude, et surtout, leur petite fille Kirstie adopte un comportement bien étrange – elle affirme désormais avec force qu’elle est Lydia, sa soeur disparue. Dans l’ambiance anxiogène de cette île soumise à la violence des éléments, Angus et Sarah Moorcroft commencent à douter – de leur fille, de leurs choix, de l’un et de l’autre… Pourraient-ils s’être trompés sur l’identité de Kirstie ? Que s’est-il vraiment passé le jour où l’une de leurs filles est tombée ?

Mon avis: De ce roman découvert il y a quelques années, j’avais entendu autant d’avis mitigés que de réactions enthousiastes. J’ai profité du challenge d’été du #clublectureMS pour enfin le sortir de ma PAL (sous forme de livre audio) et mon ressenti est globalement un entre-deux: j’ai suivi l’histoire avec intérêt jusqu’à la fin, j’ai aimé l’ambiance, mais quelque chose m’a manqué, comme si tout résonnait un peu dans le vide.

Le problème majeur, je crois, tient aux protagonistes, auxquels je ne me suis jamais vraiment attachée. J’ai pourtant compris les émotions de Sarah, mon coeur s’est serré à chacune de ses peines devant le mal-être de sa fille, mais la connexion n’était pas plus forte que cela. Angus étant un homme assez peu avenant, son sort ne m’a pas non plus vraiment importé, tout comme le comportement étrange et irrationnel de Kirstie, seul élément à la définir, ne m’a pas permis de me sentir liée à elle. Peut-être est-ce dû à un manque d’approfondissement dans leur psychologie, de relief ?

Bien qu’il ne s’agisse que d’un détail, je crois aussi avoir été de temps en temps « extraite » du suspense, paradoxalement, par les efforts un peu creux de l’auteur pour l’entretenir – notamment tout ce qui donne l’impression qu’il y a un fantôme, ou que la jumelle décédée est en réalité quelque part parmi eux, dans les miroirs… sans aucun lien ou conséquence réels pour l’intrigue. Globalement, certains ressorts du récit étaient un peu simples, disons.

Toutefois, j’ai aussi apprécié tous les bons côtés de ce roman: l’ambiance écossaise, bien sûr, que je recherchais activement, la tension et l’angoisse sous-jacente qui montent crescendo, la capacité de l’auteur à jouer avec nos convictions (c’est un fait, on « doute » jusqu’au bout), et tout simplement le rythme fluide, qui se dévore. Le dénouement, en outre, même s’il peut sembler un peu frustrant, m’a vraiment surprise – or c’est tout à fait ce que je souhaitais ressentir.

En bref, une lecture non dénuée de défauts, mais facile et plutôt addictive si vous aimez les secrets de famille !

Ma note: 3/5

▽▽▽


VO: The Human Stain

Résumé: Éminent professeur d’université à la carrière brillante, Coleman Silk voit son monde s’effondrer le jour où il est accusé de propos racistes par deux élèves afro-américaines de sa classe. Forcé à démissionner, il perd bientôt son épouse d’une attaque qu’il attribue au stress de toute cette affaire, et se laisse aller à une liaison insolite qui lui vaut des critiques acerbes. Son voisin, l’écrivain Nathan Zuckerman, fasciné par la personnalité complexe de cet homme, va s’intéresser à l’affaire et mettre à jour son passé, dévoilant l’énorme secret qu’il cache depuis toujours.

Mon avis: Parce qu’il s’agi(ssa)it de l’un des plus grands auteurs américains de notre époque, mais aussi de l’un des écrivains préférés de ma maman, j’avais en tête depuis plusieurs années de découvrir l’oeuvre de Philip Roth. Comme je vous l’expliquais dans l’article sur ma pile à lire d’été, je me suis finalement décidée pour La Tache en raison du supposé « plagiat » de La Vérité sur l’Affaire Harry Québert, qui titillait ma curiosité.

Si j’ai en effet remarqué un parallèle poussé entre les thématiques, les personnages, et l’ambiance des deux romans, cette histoire m’a envoûtée pour elle-même et j’ai vite oublié mon regard analytique: quel chef d’oeuvre, quelle claque !

La Tache est un roman très dense, complexe, fascinant – de ceux que l’on n’oublie pas et qui restent dans nos pensées pendant plusieurs jours, plusieurs mois.

À travers l’histoire d’un homme au destin hors du commun, l’auteur explore sans manichéisme la nature humaine dans ses recoins les plus inavouables, tout en dressant un portrait acerbe de la société américaine hypocrite, pudibonde, et engoncée dans ses préjugés raciaux. C’est dur, cru, et à la fois épatant de subtilité et d’intelligence.

Les personnages sont travaillés comme je l’ai rarement vu dans les lectures de ma vie – tous ont une profondeur, une finesse, une histoire, de multiples facettes subtiles qui les rendent incroyablement réalistes et justes – Coleman Silk, bien sûr, mais aussi Delphine Roux, intellectuelle parisienne à l’ambition frustrée souhaitant faire carrière dans l’université américaine, Faunia, jeune femme au destin tragique et raté, son ex-mari Les Farley, psychopathe détruit par ses souvenirs de la guerre du Vietnam… Leur psychologie, jamais caricaturale, est retranscrite de manière brillante.

J’ai aussi été subjuguée par la plume de Roth. On lui reproche souvent d’être trop verbeux, avec des phrases trop complexes, trop longues, trop pleines d’adjectifs et d’adverbes en tous genres, comme si l’auteur « s’écoutait parler ». Personnellement, ce type d’écriture un peu intello et très littéraire m’a toujours beaucoup plu (comme pour Julien Gracq, par exemple) et ici, je l’ai trouvé magistral: certains paragraphes étaient réellement jouissifs à lire, à savourer comme des bonbons tant les mots étaient bien choisis et justes.

Mes seules réserves quant à ce roman concernent les quelques longueurs du récit (notamment vers le milieu du livre, avec un retour dans le passé un peu trop extensif), qui m’ont parfois fait tourner les pages un peu vite, et le côté très cru de tout le vocabulaire lié aux scènes sexuelles – sans doute volontairement provocant, mais un peu trop poussé à mon goût.

Dans l’ensemble, j’ai tout de même été époustouflée par cette lecture, dont l’ambiance et les réflexions resteront gravées dans ma mémoire. C’est un coup de coeur, et certainement l’un des meilleurs romans que j’ai lu ces dernières années ! Je le relirai un jour en VO, pour avoir l’impression de le redécouvrir d’une autre manière.

Ma note: 5/5

▽▽▽


VO: Inishowen

Résumé: Décembre 1994. Atteinte d’une maladie incurable, Ellen quitte New York, son mari et ses deux grands enfants pour se rendre en Irlande, où elle est née, dans l’espoir de retrouver la trace de sa mère biologique. Martin est un « vieux flic » un peu perdu, marqué par un drame qui a détruit sa vie, et en passe de devenir l’ennemi numéro un de la mafia dublinoise. Leurs chemins se croisent par hasard; ils les emmènent tous deux sur la route d’Inishowen, une pointe de littoral sauvage au nord de l’île verte, où les attend une forme de rédemption.

Mon avis: Malgré sa couverture attirante, je n’aurais sans doute jamais choisi ce livre en me fondant uniquement sur son résumé: les idylles compliquées entre « grands blessés de la vie » et le côté parfois larmoyant des sujets graves ont plutôt tendance à me repousser.

Je dois donc ma découverte uniquement à la recommandation de Charlotte Parlotte, dont je partage en bonne partie la sensibilité littéraire. Je ne regrette pas de lui avoir fait confiance: il fera certainement partie de mes lectures préférées de l’année !

Si l’histoire d’amour naissante est ici très touchante et bien menée, j’ai vraiment apprécié qu’il ne s’agisse pas justement d’une simple romance ou d’un récit « feel good », mais bien d’un mélange des genres difficile à caractériser.

La situation politique en Irlande à l’époque crée une toile de fond dure, où l’on ressent toute la souffrance d’un pays déchiré. L’intrigue liée aux dangers d’une mafia ultraviolente est aussi un vrai plus, comme un nuage noir qui se profile à l’horizon et assombrit le paysage: elle crée un suspense discret mais parfait pour maintenir éveillé l’intérêt du lecteur. Même la fin, un peu trop rocambolesque, a l’avantage d’ajouter une dernière facette à cette histoire, avec un peu d’aventure et d’humour. Quant au traitement des sujets graves, Joseph O’Connor emploie un style et un ton très justes, qui ne se laissent jamais aller au pathos inutile. Bref, mes craintes ont vite été entièrement balayées !

Les personnages étaient intéressants, l’un d’eux n’étant d’ailleurs absolument pas mentionné sur la 4ème de couverture: Milton Amery, chirurgien esthétique et mari infidèle d’Ellen, constitue une bonne partie de la narration et crée une introduction surprenante au récit – un point de vue tiers qui nous fait comprendre indirectement d’où vient Ellen, ce qu’elle a vécu et ce qu’elle a fui. La psychologie de ces protagonistes était plus ou moins approfondie, mais les différences étaient, je crois, volontaires: Ellen, surtout, reste jusqu’au bout un peu mystérieuse, un peu insaisissable dans ses choix, et nous n’obtenons jamais d’elle qu’un regard extérieur qui ne nous permet pas de la comprendre entièrement. Même la fin nous laisse dans le flou quant à son destin, mais j’ai aimé ce parti pris, qui la place comme un être vaguement irréel dont on croise juste le chemin.

D’Inishowen, je retiens aussi le rythme lent, qui prend son temps, l’ambiance d’une Irlande brumeuse et venteuse en hiver, les paysages bruts découverts au fil du road trip des protagonistes. C’est un roman atmosphérique, doux-amer et brumeux comme je les aime, et j’ai adoré me plonger pendant quelques heures dans son univers. Je vous le recommande à mon tour !

Ma note: 4,5/5

***

Connaissiez-vous l’un de ces romans ?
Qu’avez-vous lu cet été ?

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28 commentaires

  1. J’ai adoré la tache de Philippe Roth lu il y a quelques années, l’écriture de Roth la complexité des personnages , ce roman m’a envoutée assez longtemps. Il présente parfois des longueurs ou peut être est ce une faiblesse dans la traduction En revanche j’ai été très déçue par l’adaptation cinématographique avec pourtant un grand acteur Anthony Hopkins et une actrice australienne qui n’est pas ma tasse de thé .

  2. Bonjour Victoria,

    J’ai emprunté Inishowen hier à la bibliothèque suite au recommandation sur club lecture MS pour cet été, t’as critique me donne encore plus hate de le lire!!
    Merci pour toutes ces idées de lectures parfaites pour la rentrée.

  3. J’ai également lu La Tache cet été et effectivement j’ai peiné au milieu, du coup, je garde un souvenir mitigé de cette lecture alors que j’en attendais beaucoup. Mais ça ne m’a pas découragée puisque j’aimerais assez lire un autre roman de Philippe Roth pour voir.

  4. Coucou j’ai également lu le doute et tout comme toi je ne me suis pas attaché aux personnages et l intrigue n était suffisamment haletante pour moi

  5. Je ne connais ces livres que par toi mais j’avoue que les trois sont assez attirants.
    Cet été j’ai lu La petite boulangerie pour me détendre et ça a été réussi mais si j’ai trouvé le roman un peu long par moment. Et j’ai eu un coup de cœur pour le cercle littéraire des amateurs d’epluchures de patates. J’ai adoré le côté épistolaire et l’histoire !

  6. J’ai lu « Le doute » il y a quelques mois mais ne me souviens même plus du dénouement. Cependant je partage le sentiment mitigé que tu décris.
    Cet été j’ai attaqué la trilogie de Peter May (L’ile des chasseurs d’oiseaux tome 1) qui se déroule sur une petite île au large de l’Ecosse. Le cadre devrait te plaire, l’histoire est prenante, bien qu’un peu longue et détournée pour finalement se dénouer de manière plutôt inattendue.
    Bonne Lecture !

  7. Je n’en connaissais aucun jusqu’à aujourd’hui, ahah !
    J’avais déjà été séduit par Philip Roth avec Némésis, et avec ce que tu en as dit, je vais fondre sur La tâche !

    Cet été, j’ai succombé à un pavé de plus de 900 pages de Nino Haratischwili, La huitième vie pour Brilka, un très très beau roman, un saga familiale envoûtante.

  8. Hello
    « Le Doute »… Merci de me l’avoir fait découvrir. Dans mon entourage, il y a aussi une personne qui souffre de double personnalité (si on peut le dire ainsi) depuis la perte d’un être cher.

  9. Bonjour !
    Je ne connaissais pas ces romans. Merci pour cette découverte. D’après tes résumés, les histoires ont l’air dures mais j’ai très envie de découvrir Le Doute. A suive… ;)
    Merci et bonne journée !

  10. Ah, moi j’avais bien aimé le doute à sa sortie, c’est vrai que l’auteur tire sur les grosses ficelles mais ça passe, je trouve. Par contre, Inishowen, les maladies incurables toussa, c’est pas mon trip, mais je note ! Merci pour ton partage !

  11. J’adore lire tes articles concernant tes dernières lectures!! Cela me donne plein d’idées.
    En ce qui me concerne ma dernière lecture était: La librairie de l’île de Garbielle Zevin! Un vrai coup de cœur!

  12. Philip Roth, un géant de la littérature américaine !
    A lire « Portnoy et son complexe », « Pastorale américaine » et bien sur « La Tache »

  13. I’m actually planning to do something very similar since one of my friends convinced me to do so, so I’d also greatly appreciate any advice that anyone has on this topic!

  14. J’avais déjà des vues sur « la tâche  » et les autres sont allés dans mon pense bête lorsque j’irais à la bibliothèque. Je reviens d’un sejour en Irlande donc ça tombe à pic pour Inishowen. Bonne journée

  15. Gros coup de cœur pour les deux premiers romans après la lecture de la critique que tu leur a faites. Pour le premier je l’ai vu à maintes reprises en librairie je le prendrai peut-être, quant au deuxième je n’en avais jamais entendu parler, et il a l’air franchement très intéressant ?

  16. Tout comme toi, j’étais un peu ressortie mitigée de ma lecture de « Le doute ». Lecture intense mais qui manquait vraiment de quelque chose… C’était bien dommage !

    Tu m’intrigues vivement avec « Inishowen » ! Je connaissais pas du tout ! Alors je le note précieusement !

  17. Coucou Victoria,
    Je viens d’aller faire un tour sur le compte Instagram et le blog de Charlotte Papotte, j’adore faire ce genre de découverte, ça me donne envie que le vrai automne arrive enfin pour me réfugier dans le canapé avec un thé et des livres, merci pour la découverte et pour ton travail ! Mille bisous
    Charlotte

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